LE BAROMETRE

Le hochet de Pinochet

mardi 22 juillet 2008 par Nicolas Gardères

Les violations répétées des droits de l’homme, notamment en Russie et en Chine et les tentatives de rationalisation qui les accompagnent, imposent de rappeler que la violation des droits de l’homme n’est jamais légitime.

Comme le disait fort à propos, Pierre Desproges, "les Chiliens sont de grands enfants, d’ailleurs dans Pinochet il y a hochet".

Un hochet qu’agitent régulièrement la plupart des dictateurs du monde pour justifier leur dictature.

La petite musique de ce hochet dit à peu près ceci : "Il y a des peuples enfants et des peuples adultes. La démocratie est un jeu pour peuple adulte. Dans les pays où vivent les peuples enfants, la démocratie est contre-productive. La dictature est beaucoup plus efficace pour mener à bien les réformes. Le passage vers la démocratie doit se faire dans un cadre autoritaire, sans libertés politiques. Regardez le Chili".

Cette idéologie de l’ "autoritarisme éclairé" fut pour une large part celle des élites russes au lendemain de la chute de l’Union Soviétique. Le nom de Pinochet qui avait cédé le pouvoir démocratiquement en mars 1990 à Patricio Aylwin était sur toutes les lèvres, et le "miracle chilien" un modèle pour les "bolcheviques de marché" du début de l’ère Eltsine. Les postulats de cette théorie est qu’en période de réforme radicale, le leadership est toujours plus progressiste que les masses comme le pensait "le père du socialisme russe" Alexandre Herzen et qu’un pays sans tradition démocratique ne peut pas supporter de démocratisation rapide (Alexis de Tocqueville). Faut-il rappeler ici que la tradition démocratique chilienne d’avant le coup d’Etat était sans commune mesure avec le quasi-néant russe ou chinois ?

Les questions de la modélisation des transitions démocratiques, du poids des cultures politiques (de leur absence) et du meilleur chemin à suivre, de la dictature vers la démocratie sont au cœur de la réflexion sociologique de ces dernières décennies.

Cette question est éminemment complexe et trop d’échecs, de retours en arrière, de consolidations avortées sont venues affaiblir les positions des démocrates, au profit de celles des partisans de l’ "autoritarisme éclairé". Paradoxalement, l’échec de Boris Eltsine est ainsi mis sur le compte de la démocratie, dont le concept est très largement discrédité en Russie. Au contraire, l’autoritarisme chinois voire celui de Poutine, c’est à dire une main de fer plus le marché font figures de modèle. Sur ce point, il est intéressant de constater que beaucoup des anciens thuriféraires de Poutine commencent à déchanter en constatant la régression démocratique, la disparition quasiment complète de la politique et la pérennisation du caractère clanique de l’Etat et mafieux du capitalisme.

Les contextes sont en effet des artefacts très pratiques, qui permettent aux dictateurs et aux nouveaux "idiots utiles" (l’expression est de Lénine) qui pullulent en occident, de légitimer la répression et la violation des droits de l’Homme.

Car la haine de la démocratie et du libéralisme ne fermentent pas que dans les complexes altermondialistes d’une gauche anti-américaine et anti-israélienne. Cette haine de la démocratie et du libéralisme se retrouve aussi plus intellectualisée, chez une droite qui continue à voir dans la démocratie et la philosophie des droits de l’homme, dans la politique tout simplement, une perte d’efficacité, un luxe inutile, l’obligation de sacrifier au peuple imbécile.

Le génie mais aussi la faiblesse de nos valeurs résident dans l’absence de transcendance, dans la volonté de faire reposer l’homme sur lui-même, sans eschatologie, sans promesses. Leur seul soutien est la vigueur avec laquelle nous continuons à les porter, en France et pour le monde.

Il ne s’agit pas d’imposer, d’amener la démocratie au bout d’un fusil. Il s’agit d’être sûrs de nous, de savoir ce qui peut être soumis au doute et au débat et ce qui ne peut pas l’être.

La "cohésion sociale" ou les intérêts économiques de la France ne justifient jamais que l’on tranche dans ce qui constitue les principes fondamentaux de notre société comme nos conceptions universalistes. Il n’y a pas plusieurs façons d’être démocrate ou d’être libéral. Il n’y a pas plusieurs familles de droits de l’homme. Il n’y a pas d’excision acceptable. Il n’y a pas de crime d’honneur que l’on puisse comprendre. Il n’y a pas de journaliste dont le meurtre se justifie. Il n’y a pas de Tian’anmen possible.


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