LE BAROMETRE

Conférence du stage : pourquoi pas vous ?

Propos recueillis par Djinn Quévreux, promo 2008, série J

mercredi 25 juin 2008 par Djinn Quévreux

Aurélie Cerceau a prêté serment le 9 janvier 2002. Neuvième Secrétaire de la Conférence en 2007, elle a accepté de faire part de son expérience et de conseiller les élèves-avocats qui souhaitent, une fois avocats, tenter le difficile concours de la Conférence du Stage.

En quoi consiste ce concours ?

Il s’agit d’un concours d’éloquence. Il faut savoir que le Concours de la Conférence du stage est composé de trois tours. Le premier se déroule de janvier à juin. Les candidats ont deux semaines pour préparer leur sujet, ce qui leur laisse pas mal de temps. Ils peuvent ainsi choisir leur sujet et de le traiter soit par l’affirmative soit par la négative. Il faut donc bien choisir son sujet. A l’issue de ce tour, trente-six candidats sont sélectionnés pour le tour suivant. Le deuxième tour se déroule fin septembre. Les candidats ne tirent au sort leur sujet et leur position (affirmative/négative) que cinq heures avant la séance. Vingt-quatre candidats sont alors sélectionnés pour participer au troisième tour qui a lieu au mois d’octobre. Le sujet et la position sont également tirés au sort, mais les candidats ont cinq jours pour rédiger leur discours. Pour les deux derniers tours, il n’y a plus aucun choix…

Qu’est ce que qui vous a donné envie de tenter ce concours ?

Principalement le fait que les Secrétaires de la Conférence bénéficient d’un accès privilégié aux dossiers pénaux. C’est surtout ça qui m’a motivé. Nous sommes commis d’office pour les permanences de renvoi de comparution immédiate en matière correctionnelle, mais aussi pour les permanences de mises en examen dans les dossiers criminels une à deux fois par semaine. Ce qui est fantastique, c’est qu’on suit jusqu’à la fin les dossiers criminels pour lesquels nous sommes intervenus lors de nos permanences. Nous avons donc tous des dossiers d’instructions qui peuvent durer parfois plusieurs années, parfois quelques mois et puis qui nous amènerons à plaider aux assises la plupart du temps. Parfois les dossiers sont correctionnalisés. Ces permanences nous amènent a avoir des contacts avec les juges d’instruction, les Présidents de chambres et le Procureurs de la République. Cela favorise nos relations avec les magistrats et la connaissance de la procédure pénale. A la fin d’une année, nous connaissons vraiment bien la procédure, nous savons comment traiter un dossier criminel et être très réactifs. Nous faisons également une permanence au pôle financier une fois par mois.

De plus, j’aime beaucoup écrire et plaider. C’est formidable le plaisir de trouver les mots qui vont faire rire, trouver comment créer une émotion quelle qu’elle soit. Le plaisir vient de là, c’est un bonheur total d’écrire son texte et puis de le dire et de défendre des idées parfois complètement absurdes, parfois tristes, parfois drôles et de jouer avec la salle.

Plus généralement, qu’est-ce que vous a apporté ce concours dans le monde professionnel ? J’imagine que ça vous a ouvert beaucoup d’autres portes...

Dans la vie professionnelle ce qui est fantastique c’est qu’on rencontre plein de gens tout le temps, que ce soit parmi les magistrats ou les avocats ou parmi les personnalités du monde politique, journalistique et culturel. Comme nous sommes au Palais pratiquement tous les jours nous finissons par connaître beaucoup de monde. On voit le bâtonnier très souvent, on rencontre les membres du Conseil de l’Ordre, on croise énormément de confrères, et grâce à nos séances de la Conférence du Stage ou de la Conférence Berryer, nous rencontrons des personnalités.

Par ailleurs, nous voyageons. C’est aussi ça la Conférence, c’est voyager pour participer à différentes Rentrées de Barreaux étrangers. Moi par exemple je suis allée à Bamako. On a été accueillis par le Président du Mali et on a rencontré des avocats qui venaient du Cameroun, du Bénin ou d’ailleurs. Nous sommes allés voir des procès correctionnels qui sont quand même très différents des procès qu’on connaît ici avec un droit qui est particulier, des conditions de détention provisoire qui sont encore pires que les nôtres. Nous sommes également allés au Canada aux Rentrées des Barreaux de Montréal et de Québec, et puis pour certains d’entre nous à la réunion de l’American Bar Association meeting qui avait lieu à San Francisco aux Etats-Unis. Comme nous sommes proches des Barreaux européens, nous sommes également allés en Italie, en Belgique et en Suisse. Ces rencontres internationales avec des confrères étrangers nous permettent de voir quels sont leurs systèmes judiciaires et de comprendre les différences. Cela nous permet d’être critique par rapport aux nouvelles lois qui sont adoptées, à notre propre système et de participer à des groupes de réflexion qui ont pour objet de l’améliorer.

Ces permanences pénales, ces voyages à l’étranger nous apprennent à vivre en communauté, à travailler à plusieurs, car pendant un an nous vivons à douze, nous nous voyons tout le temps et travaillons très souvent ensemble.

Cela donne vraiment envie de tenter sa chance. Mais les sujets paraissent vraiment difficiles. Actuellement par exemple, un des sujets proposés est « l’homme libre chérit-il toujours sa mère ? » [1] ...

C’est vrai que cela paraît difficile car les sujets sont un peu incongrus. Ils sont parfois un peu absurdes, et entre nous, il arrive même qu’ils ne veulent pas dire grand chose. On a l’habitude de traiter des sujets plus juridiques.

Avez-vous des astuces pour les aborder avec plus de facilité ?

Moi la manière dont j’abordais le sujet c’était d’abord de penser à toutes les idées auxquelles il me faisait penser, à ce que j’avais envie de dire avec ce sujet, qui n’en n’est finalement que le prétexte. Il faut donc décortiquer et réfléchir à chacun de ses termes. Il faut le détailler mot par mot, thème par thème et essayer de bâtir une histoire. Pour ceux qui n’aiment pas raconter des histoires, ou qui n’y arrivent pas, il faut toujours un fil conducteur qui peut être un mot, un thème récurant, une image, un personnage… L’important, c’est d’avoir une introduction et une fin percutante. Puis il faut ponctuer le discours d’éléments permettant à l’assistance de se raccrocher au discours, par un silence ou au contraire un coup de gueule, ou ce fameux mot, image, thème (…) récurant. Il faut toujours garder à l’esprit qu’il ne faut perdre personne et surtout pas les Secrétaires pour qu’ils puissent continuer à écouter sans difficulté quand bien même ils auraient, à un moment du discours, perdu le fil. Il ne faut pas négliger la fin, la peaufiner, travailler la chute aussi bien dans le fond que dans la forme : c’est la dernière image que vous laisserez de votre discours… et il faut que nous sachions que c’est la fin et qu’après, rien ne pourrait être ajouté.

Quels sont les éléments qui priment ? Le fond ou la forme du discours ?

Au premier tour il faut traiter un sujet qui nous plaît car c’est le seul tour où l’on peut choisir et où l’on a du temps pour préparer son discours… Les Secrétaires de la Conférence veulent voir l’intensité du discours fait dans ces conditions, ils jugent la profondeur des idées aussi bien que la forme car on sait que la personne a eu le temps et a choisi, contrairement au deuxième tour où on est peut être moins exigeant sur le fond car le candidat n’a que cinq heures pour traiter un sujet qui parfois est complètement dingue, ou absurde, comme : « faut-il allumer la dernière avec la première ? » ou « faut-il être drôle pour rire ? », enfin des trucs qui n’ont aucun sens.

Avez-vous d’autres conseils à donner à ceux qui hésitent à tenter ce concours en raison de sa difficulté ?

Déjà il n’y a aucune raison d’avoir peur. Il suffit de dépasser le sujet. Avant d’avoir peur, il faut essayer de rédiger un discours. Il suffit un jour, de prendre un des sujets, d’analyser chaque mot, de noter toutes les idées qui nous viennent, tout ce qui passe par la tête, même les choses qui nous semblent stupides. Il suffit d’essayer puis ensuite de rassembler ses idées. En fait, c’est une épreuve dont on se fait tout un monde tant qu’on n’a pas essayé. Alors effectivement il y en a qui ne sont pas fait pour ça et ils le verront bien. Pour les autres, ceux à qui ça plaît, les débuts peuvent être difficiles, ils ne réussiront peut-être pas tout de suite à faire quelque chose de construit. Puis, petit à petit, ça va venir. A force d’écrire, on écrit de mieux en mieux. Au deuxième tour on a cinq heures pour préparer le sujet et pourtant on fait des discours qui souvent sont drôles, spontanés, et qui ne manquent pas de profondeur. Il faut dépasser cette crainte et essayer d’écrire un discours.

Je conseille également d’aller aux conférences pour entendre des discours, surtout aux deuxième et troisième tours parce qu’il y a eu un écrémage. Ainsi, on a la musicalité des discours, et on comprend davantage ce que les Secrétaires de la Conférence attendent des candidats. Il ne faut d’ailleurs pas hésiter à poser des questions aux Secrétaires ou aux anciens Secrétaires.

En tant que neuvième Secrétaire de la Conférence, vous étiez en charge d’organiser la petite conférence...

Oui et je conseille également de tenter la petite conférence [2] parce qu’on peut la passer autant de fois qu’on veut et surtout car des critiques constructives sont faites. Par exemple moi un de mes défauts, qui est par la suite devenu une qualité car j’ai appris à le maîtriser, c’est que j’avais énormément d’énergie donc j’avais tendance à pousser ma voix très loin ce qui pouvait agacer les gens en face parce que je ne maîtrisais absolument pas cette énergie. Une fois qu’on m’a dit ce qu’il en était j’ai fait des efforts et j’ai su maîtriser cette énergie. La critique est aussi constructive pour le fond car il y des exemples qu’il vaut mieux ne pas citer et ça on le sait notamment quand on fait un discours pour la première fois à la petite conférence. Chacun a des qualités, parfois c’est dans l’écriture, parfois c’est dans le jeu. Il y en a qui joue si bien leur discours, que cela pallie à quelques « défaillances » dans le fond du discours. Ils sont si agréables à entendre que ça passe, même peut- être mieux qu’un discours plus construit, mais dit sans aucune conviction. Ceci ne veut pas dire que le fond n’importe pas, puisque c’est une des conditions essentielles d’un bon discours, mais la forme peut être un grand atout, qui se travaille ! C’est formidable à l’Ecole vous avez un moyen de vous entraîner donc il faut en profiter. Et puis, les remarques ne sont pas humiliantes, puisqu’elles sont faites de manière constructive à quelqu’un qui fait l’effort d’écrire et de dire un discours. Il faut courir des risques pour s’améliorer : là, le risque, ce n’est finalement que de s’améliorer. Certains sont revenus plusieurs fois à la petite conférence l’année dernière. Ils ont évolué dans l’écriture et le ton et auront toutes leurs chances de passer la conférence et de l’avoir.

Qu’attendent les Secrétaires de la Conférence des candidats ?

Il faut être soi. Il n’y a pas de stratégies à avoir. Il faut rester dans son registre car sinon on est mal à l’aise et ça se voit. Il ne faut pas se dire : « ils attendent que je fasse rire ou que je fasse pleurer ». On attend juste des candidats qu’ils nous communiquent un « truc » qui soit le plus vrai possible. Il y a des gens qui nous font rire et qui nous éclatent tout le temps parce que c’est dans leur personnalité et puis il y des gens qui nous feront pleurer tout le temps. Il y a une palette tellement variée de discours qu’il vaut mieux faire quelque chose qui nous plaît. On a beaucoup plus de chances de faire passer des émotions quelles qu’elles soient plutôt qu’en se forçant.

Que souhaitez-vous ajouter pour conclure ?

Il faut passer la conférence. Vive la conférence !

[1] Proposé à la 8ème séance du concours de la conférence du stage, aucun candidat n’a opté pour ce sujet. Les deux candidats s’étant présentés ce jour-là lui ont préféré le sujet : « L’ambition des petits fait-elle la solitude des grands ? »

[2] La petite conférence est un exercice oratoire destiné à préparer les élèves-avocats au concours de la Conférence du stage


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